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Danseuse Etoile et professeur de l'Opéra National de Paris

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un petit mot...

Delphine Moussin

Delphine Moussin

DANSEZ, MAINTENANT.

Elle flottait, irréelle, impalpable, le regard dans l'au-delà, légère, si légère dans ses voiles vaporeux qu'elle paraissait véritablement sans poids, sans corps, sans vie. Ce n'était plus une danseuse que l'on voyait sur scène, mais bien une apparition, un fascinant fantôme. Samedi 16 janvier, Delphine Moussin, étoile du ballet de l'Opéra de Paris en tournée au Grand théâtre de Genève, était l'incarnation parfaite de Giselle, la belle morte amoureuse : gracile, gracieuse, extatique, elle a donné à l'héroïne romantique une stupéfiante modernité. Dans ce chef-d'œuvre classique conçu sur le livret de Théophile Gautier (Gisèle a été donné 742 fois par le ballet de l'Opéra de Paris depuis sa création en 1841), tout a un sens : chaque geste, chaque note, chaque pas renforce la densité symbolique est enrichit le propos (l'amour plus fort que la mort). L'acte 1, celui de l'innocence et de la trahison, est réaliste et terre à terre. Le second, situé dans un monde surnaturel, est aérien, la chorégraphie dissociant le buste les jambes, l'esprit et le corps, pour rendre la ballerine immatérielle. Un tel ballet pourrait sembler désuet. Il n'en est rien. Patrice Bart, maître de ballet à l'Opéra de Paris, l’a sorti de la naphtaline, rafraîchissant subtilement la chorégraphie au profit du sens, et Delphine Moussin, en renforçant le jeu dramatique est en modernisant la pantomime, lui a donné une rare lisibilité. Cette Giselle-là dansait de tout son corps, de toute son âme. Il fallait la voir, lors de la fameuse scène de la folie, passer de l'insouciance au désespoir, les gestes ralentis, tombant à l'avant-scène, le visage décomposé par la brûlure de la trahison, le regard déjà mort. Ou encore à l'acte deux, s’affranchir de la pesanteur dans les bras de son partenaire, José Martinez, lui aussi aux anges. C'est assurément dans ce genre que la compagnie dirigée par Brigitte Lefèvre ce montre à la hauteur de sa réputation : quand se trouvent réunis le meilleur de la technique classique et le talent dramatique de solistes d'exception. Ce soir-là, on a ri avec Giselle, aimé avec elle, pleuré avec elle, et on se disait que, décidément, la danse était bien l'art de la vérité.

 

Paul Hilarion

 

Classica-Répertoire (février 2009)